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"Coup de tabac"
+2
stéphane
Jaufré Cantolys
6 participants
Page 1 sur 1
"Coup de tabac"
Nous ferons « d’une pierre trois coups » (de tabac): nous expliquerons à la fois l’origine des expressions : « coup de tabac », « faire un tabac » et « passer à tabac »
Le « coup de tabac » désigne, dans la marine, un orage particulièrement violent. « Faire un tabac » signifie rencontrer un vif succès auprès du public. Quant à « passer à tabac », cette expression désigne, comme chacun sait, le fait de rouer quelqu’un de coups. Cette dernière expression nous donne la clef des deux autres. « Passer à tabac », c’est « tabasser » : de la racine tabassar, dont le sens est limpide. A l’origine on écrivait donc « passer à tabas » (si tant est qu’on l’écrivait). Par similitude, un « coup de tabas » en est venu à désigner le tonnerre, le fracas étourdissant sur le pont lors d’un orage, qui rappelle celui d’une bagarre générale. De même « faire un tabas » désigne un tonnerre d’applaudissement (l’acte de frapper dans ses mains rappelant celui de « tabasser »).
Par un effet d’homonymie, les deux orthographes « tabas » et « tabac » ont fini par fusionner en une seule – et c’est « tabac » qui a prévalu. Nul besoin d’être éminent linguiste pour repérer cette explication sur Internet. Ce qu’on explique moins, en revanche, c’est le « pourquoi » de la fusion entre les deux orthographes, et pourquoi « tabac » a prévalu plutôt que « tabas ». Le phénomène ne va nullement de soi. La langue française fourmille d’homonymies, qui conservent pourtant leurs orthographes distinctes. Ainsi « coeur » et « choeur », « cher » et « chair », « poids » et « poix », etc. Alors pourquoi « tabas » a-t-il donné « tabac » ?
L’explication que je vais tenter ici pourra paraître excessivement « genrée ». Mais j’en prends le risque. Il est notoire que l’usage du tabac, à l’origine réservé à une certaine élite, est devenu à partir du XIXe siècle un marqueur de la virilité. Ainsi que l’observe Anne -Marie Sohn dans son ouvrage « Sois un homme ! (La construction de la masculinité au XIXe siècle) » : « Le tabac et l’alcool sont en effet étroitement associés à la masculinité (…) En 1904 encore, la Société la Grosse Pipe de Roubaix rédige Les Joyaux Fumeurs, une chanson dont le second couplet lie hommes, tabac, boisson et sociabilité :
Buvons, chantons à perdre haleine,
Fraternité, reste pour nous
L’Amie ! Puisqu’ainsi on te nomme
Par toi nous prouverons partout
Qu’un vrai fumeur doit être un homme ! »
Or en quoi consiste fondamentalement l’idée de virilité ? Le CNRTL précise : « Ensemble des qualités (fermeté, courage, force, vigueur, etc.) culturellement attribuées à l'homme adulte ». Et dans quelle situation ces qualités se manifestent-elles de la façon la plus évidente ? Dans la bagarre, bien sûr ! Les hommes aiment se « tabasser » entre eux, c'est notoire. D’ailleurs, ils connaissent plus d’une manière de se « tabasser » : au rugby, à la guerre, à la chasse... et aussi contre les éléments: de là les « coups de tabas ». Il semble qu’un bon « tabas » s’accompagne nécessairement de beaucoup de bruit, sans quoi il manque de virilité. Au spectacle, les hommes applaudissent instinctivement plus fort que les femmes (il en va, là aussi, de leur virilité!). En cas de succès, ce sont eux qui réellement « font un tabas »
Ainsi, au-delà de la convergence homonymique, nous voyons aussi se dégager une convergence sémantique. « Tabac » et « tabas » pointent tous deux vers une valeur symbolique commune, qui est la virilité. Notons que l’association entre tabac et virilité est chose assez récente : elle remonte au XIX e siècle. Or c’est à partir du XIXe siècle que l’expression « coup de tabac », dont dérivent les deux autres, est attestée par les linguistes. Nous pouvons donc présumer que la fusion des deux termes tabas et tabac, qui aurait pu être purement contingente, résulte en réalité d’un ressort sociologique profond. Au XIXe siècle, l’homme s’affirme en se bagarrant ou en fumant du tabac. De là un mot unique : « tabac ». Et si ce dernier a prévalu plutôt que "tabas" nous pouvons supposer que c'est en raison d'un phénomène sémiologique bien simple: les symboles frappent toujours davantage l'imagination que le sens dont ils sont porteurs (c'est d'ailleurs pour cela qu'on les utilise). Le tabac est un objet concret, que le marin ou le soldat se représente aisément. C'était donc à lui qu'il convenait de porter le sens de "tabas" et non l'inverse.
Jaufré Cantolys (alias Doctor Capillotractus)

Le « coup de tabac » désigne, dans la marine, un orage particulièrement violent. « Faire un tabac » signifie rencontrer un vif succès auprès du public. Quant à « passer à tabac », cette expression désigne, comme chacun sait, le fait de rouer quelqu’un de coups. Cette dernière expression nous donne la clef des deux autres. « Passer à tabac », c’est « tabasser » : de la racine tabassar, dont le sens est limpide. A l’origine on écrivait donc « passer à tabas » (si tant est qu’on l’écrivait). Par similitude, un « coup de tabas » en est venu à désigner le tonnerre, le fracas étourdissant sur le pont lors d’un orage, qui rappelle celui d’une bagarre générale. De même « faire un tabas » désigne un tonnerre d’applaudissement (l’acte de frapper dans ses mains rappelant celui de « tabasser »).
Par un effet d’homonymie, les deux orthographes « tabas » et « tabac » ont fini par fusionner en une seule – et c’est « tabac » qui a prévalu. Nul besoin d’être éminent linguiste pour repérer cette explication sur Internet. Ce qu’on explique moins, en revanche, c’est le « pourquoi » de la fusion entre les deux orthographes, et pourquoi « tabac » a prévalu plutôt que « tabas ». Le phénomène ne va nullement de soi. La langue française fourmille d’homonymies, qui conservent pourtant leurs orthographes distinctes. Ainsi « coeur » et « choeur », « cher » et « chair », « poids » et « poix », etc. Alors pourquoi « tabas » a-t-il donné « tabac » ?
L’explication que je vais tenter ici pourra paraître excessivement « genrée ». Mais j’en prends le risque. Il est notoire que l’usage du tabac, à l’origine réservé à une certaine élite, est devenu à partir du XIXe siècle un marqueur de la virilité. Ainsi que l’observe Anne -Marie Sohn dans son ouvrage « Sois un homme ! (La construction de la masculinité au XIXe siècle) » : « Le tabac et l’alcool sont en effet étroitement associés à la masculinité (…) En 1904 encore, la Société la Grosse Pipe de Roubaix rédige Les Joyaux Fumeurs, une chanson dont le second couplet lie hommes, tabac, boisson et sociabilité :
Buvons, chantons à perdre haleine,
Fraternité, reste pour nous
L’Amie ! Puisqu’ainsi on te nomme
Par toi nous prouverons partout
Qu’un vrai fumeur doit être un homme ! »
Or en quoi consiste fondamentalement l’idée de virilité ? Le CNRTL précise : « Ensemble des qualités (fermeté, courage, force, vigueur, etc.) culturellement attribuées à l'homme adulte ». Et dans quelle situation ces qualités se manifestent-elles de la façon la plus évidente ? Dans la bagarre, bien sûr ! Les hommes aiment se « tabasser » entre eux, c'est notoire. D’ailleurs, ils connaissent plus d’une manière de se « tabasser » : au rugby, à la guerre, à la chasse... et aussi contre les éléments: de là les « coups de tabas ». Il semble qu’un bon « tabas » s’accompagne nécessairement de beaucoup de bruit, sans quoi il manque de virilité. Au spectacle, les hommes applaudissent instinctivement plus fort que les femmes (il en va, là aussi, de leur virilité!). En cas de succès, ce sont eux qui réellement « font un tabas »
Ainsi, au-delà de la convergence homonymique, nous voyons aussi se dégager une convergence sémantique. « Tabac » et « tabas » pointent tous deux vers une valeur symbolique commune, qui est la virilité. Notons que l’association entre tabac et virilité est chose assez récente : elle remonte au XIX e siècle. Or c’est à partir du XIXe siècle que l’expression « coup de tabac », dont dérivent les deux autres, est attestée par les linguistes. Nous pouvons donc présumer que la fusion des deux termes tabas et tabac, qui aurait pu être purement contingente, résulte en réalité d’un ressort sociologique profond. Au XIXe siècle, l’homme s’affirme en se bagarrant ou en fumant du tabac. De là un mot unique : « tabac ». Et si ce dernier a prévalu plutôt que "tabas" nous pouvons supposer que c'est en raison d'un phénomène sémiologique bien simple: les symboles frappent toujours davantage l'imagination que le sens dont ils sont porteurs (c'est d'ailleurs pour cela qu'on les utilise). Le tabac est un objet concret, que le marin ou le soldat se représente aisément. C'était donc à lui qu'il convenait de porter le sens de "tabas" et non l'inverse.
Jaufré Cantolys (alias Doctor Capillotractus)

Dernière édition par Jaufré Cantolys le Sam 4 Fév 2023 - 14:50, édité 1 fois
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"Le poète doit être un professeur d'espérance. A cette seule condition il a droit au pain et au vin, à côté de l'homme qui travaille" (Jean Giono)
Re: "Coup de tabac"
Doctor Capillotractus, un tonnerre d'applaudissements pour ces explications 

stéphane- Tête connue
- Messages : 2110
Date d'inscription : 12/02/2022
Age : 59
Localisation : Marseille
Re: "Coup de tabac"
Superbe analyse étymologique et societal Jaufré, merci beaucoup et bravo 

____________________________________________________________________________________________________________________________
Suzan hated literature, she'd much prefer to read a good book - Terry Practchett
Pierrot Gourmand- Monument
- Messages : 13204
Date d'inscription : 15/11/2016
Age : 41
Localisation : Troyes
Re: "Coup de tabac"
Bravo et merci Jaufré pour ces explications linguistiques, sémantiques et sociologiques.
Et dans ce dernier registre on a vu apparaître une expression nouvelle dans la seconde moitié du 20ème siècle dont un certain Bérurier,en particulier, c'est fait le promoteur: Fier comme un bar-tabac.
Et dans ce dernier registre on a vu apparaître une expression nouvelle dans la seconde moitié du 20ème siècle dont un certain Bérurier,en particulier, c'est fait le promoteur: Fier comme un bar-tabac.
william1941- Poète, barde, troubadour...
- Messages : 4412
Date d'inscription : 03/04/2020
Age : 82
Localisation : Garrigue et méditerranée. studio à Paris
Re: "Coup de tabac"
william1941 a écrit:Bravo et merci Jaufré pour ces explications linguistiques, sémantiques et sociologiques.
Et dans ce dernier registre on a vu apparaître une expression nouvelle dans la seconde moitié du 20ème siècle dont un certain Bérurier,en particulier, c'est fait le promoteur: Fier comme un bar-tabac.

stéphane- Tête connue
- Messages : 2110
Date d'inscription : 12/02/2022
Age : 59
Localisation : Marseille
la hyène- Tête connue
- Messages : 1672
Date d'inscription : 22/09/2018
Age : 48
Localisation : Rhône / Lyon
Re: "Coup de tabac"
Je pense que l'hypothése est plutôt interessante, mais il est possible que tabas n'est pas ete beaucoup écrit a l'époque également et que naturellement le mot très proche, tabac ai ete consideré comme la réference car beaucoup plus connu.
Merci pour cette belle interrogation.
Merci pour cette belle interrogation.
Sherlock- Habitant récent
- Messages : 185
Date d'inscription : 18/01/2022

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