Les tribulations d'un Québécois en Gaule

Çà ne sera pas sans se faire, en tout cas nous l'espérons de tout notre coeur...

Merci Passeur, tu m'as encore fait voyager avec toi !

Superbe:



Et intense !

Ensuite, mon bon frère, te faut suspendre le linge parce que t'auras pas assez de place sur la planche pour terminer ton repassage...

Kenavo Breizh ! Mardi 15 octobre,

C’est l’anniversaire de Mélu aujourd’hui. Je sais bien que c’est elle qui s’est entêtée et qui a décidé d’allonger le parcours plutôt que moi, mais reste que c’est son anniversaire et je ne suis pas à la maison. Initialement j’avais prévu me contenter d’un voyage d’une semaine. Dix jours tout au plus. Ainsi, je savais que je serais largement de retour pour son anniversaire puisque je serais rentré le douze au maximum.
Mais elle n’a rien voulu entendre. « On se reprendra tout simplement pour mon anniversaire ; il y a tellement longtemps que tu rêves de ce voyage, ce serait con de ne pas en profiter pendant que tu seras de l’autre côté. La majeure partie des frais, c’est l’avion. Alors profites-en, pars pour un mois. » En fait, si je doutais d’elle, je dirais qu’elle me poussait dehors pour voir son amant. De peine et de misère, j’ai réussi à négocier avec elle pour trois semaines et, quand j’ai acheté mon billet d’avion, je me suis vu contraint de remonter les délais à 25 jours. Comme quoi les négociations, si serrées qu’elles puissent être, ne riment parfois qu’à peu de chose, quand elles riment à quelque chose.
Pendant que je roule vers Nantes, au petit matin (il était à peine cinq heures du matin quand j’ai quitté Carnac, avec le petit déjeuner préparé par ma logeuse d’un soir — et laissé à mon intention entre les barreaux de la rampe de l’escalier — pour compenser celui que je ne pourrai pas prendre en même temps que ses autres clients à 8h00), j’ai le cœur gros. Au fil des années passées sur « mon » archipel, même si je n’y suis pas né, je me suis découvert un profond attachement à l’endroit de la mer. J’en suis arrivé à la conviction que, dans une vie antérieure, j’ai été marin.
D’accord, je suis conscient que tout le monde ne croit pas aux vies multiples, à la réincarnation, mais dans une certaine mesure j’y crois. Ce serait cependant trop long que de me pencher sur le dossier pour tenter de vous expliquer ma prise de position relativement ambiguë. Qu’on me permette donc d’esquiver le sujet et qu’on accepte le fait que j’ai, pour la mer, un amour littéralement viscéral. Je suis conscient, ce matin, que je ne la reverrai pas avant longtemps ; peut-être même des années. Il n’est d’ailleurs pas impossible que je termine mes jours sans jamais la revoir.
Et c’est ça qui me donne, ce matin, le cafard. J’ouvre le petit déjeuner que m’a préparé la propriétaire. Oh merde, un morceau de gâteau. Généreuse portion, certes, mais c’est tout de même du gâteau et ceux dont j’ai partagé la table le savent, je ne mange pas de dessert. Je ne mange donc pas de gâteau, encore moins en lieu et place de petit déjeuner. Tant pis, je me rabattrai sur la pomme incluse dans le sac. Rien à voir avec les pommes que j’ai pour habitude de manger chez moi, mais ça conviendra dans les circonstances. Après tout, ma logeuse n’était nullement tenue de me préparer une collation. Et intérieurement je l’en remercie sincèrement. Mais c’est d’un café chaud, voire brûlant dont j’aurais besoin.  Ah, l’arôme d’un bon café... Allez, Kenavo Breizh! Adieu, Bretagne.
Chose certaine je ne m’ennuierai pas de ma boîte d’allumettes. Oh, bien sûr, en ville, c’est l’idéal si on cherche un stationnement. En fait je devrais dire « si une femme cherche un stationnement ». Parce que, sans le moindre doute, c’est une voiture de femme. Encore que si c’est une femme de grande taille... Certes c’est une voiture avantageuse ; petite, facile à garer, même dans le coffre à gants d’une voiture de format standard, elle a également l’avantage d’être de faible consommation. Là-dessus, absolument rien à lui reprocher. Mais ce n’est en rien une voiture pour une personne d’un mètre 80. Surtout si vous prévoyez y passer une nuit... Et si c’est une voiture cabriolet, évitez les flatulences... Non, celle que je conduisais n’en était pas une. Mais je m’égare.


Je suis arrivé, en fin de compte, à Nantes largement en avance pour rendre la voiture. Sauf que je n’avais pas prévu de tourner dans la ville pendant plus d’une heure pour trouver  la gare et mon locateur de la voiture  qui est voisin de ladite gare. Du coup je suis arrivé à destination avec moins de cinq minutes avant l’heure fatidique.
Après avoir démonté le GPS de NoSmokingDragonette que je range dans ma valise, avoir laissé les clés de la voiture au gardien du stationnement qui inspecte avec satisfaction le véhicule, je tire sur la sangle de ma valise et me souviens tout à coup que ce n’était pas une chose à faire. En effet, le mousqueton flanche et je me retrouve avec la sangle dans la main, la valise demeurée sur place. Oui, j’avais mis en oubli ces folles envies contestataires de ma valise... bordel de %$ ?#&@*! Parions en effet que j’ai envie de m’engueuler avec elle ce matin !!!
Ai-je besoin de préciser que c’est de mauvaise grâce ? Quoi qu’il en soit, je retourne sur mes pas et puisqu’elle veut, telle une mariée, être promenée dans mes bras, j’accepte de lui tenir lieu d’époux puisque nous sommes, malgré moi, unis par les liens sacrés du voyage. Mais elle ne perd rien pour attendre.
Je me dirige tant bien que mal vers le quai d’embarquement, sans trop savoir où est-ce que je dois pointer. Grands dieux, heureusement, je ne suis pas à Paris, sinon il est sûr que je paniquerais. Je ne suis, d’ailleurs, pas loin de le faire. Je sais bien, j’ai l’air con. Mais je rappelle au lecteur que j’habite une municipalité qui fait à peine la trois centième partie de Nantes. Il n’y a pas de train dans mon village. Alors ne nous bousculons pas au portillon pour se payer ma tronche !
Heureusement pour moi j’ai la veine de rencontrer un employé des chemins de fer pour me dire dans quel wagon je dois embarquer. Je dois lui faire l’effet d’un bel abruti, enlaçant ma valise comme je le fais. Charitable, non seulement il ne rigole pas — enfin il ne le fait pas devant moi — il m’aide à m’installer, tout comme ma valise qui, dirait-on, doit contenir au moins un milliard d’Euros à la façon dont je la tiens. D’autant plus gentil — il a dû réaliser, à mon accent, que je suis Plutonien — qu’il m’indique même à quelle gare je dois descendre à Paris, pour ne pas me fourvoyer.
— De toute façon, c’est la dernière gare. Et on vous l’indiquera. Quand vous arriverez à Paris, soyez attentif, on identifiera Marne-la-Vallée parmi les lieux environnants. Vous descendrez là.
— Je vous remercie infiniment, Monsieur. Je vous souhaite une excellente fin de journée.
— À vous également, monsieur.
Et là, je commence à paniquer. Non, je n’ai pas peur en train. Surtout pas avec les chemins de fer français qui sont d’un luxe... Mais je viens de réaliser au moment où le train commence à accélérer, que j ’ai oublié mon téléphone dans la voiture. Je sais, puisque j’en ai averti l’employé du service de location, que j’y ai laissé les six bouteilles d’eau (J’aurais dû les laisser à Leneveu et Bretonnette, tout comme la bouteille de jus d’orange non entamées). Mais j’ai totalement oublié de récupérer le téléphone que j’avais laissé sous le bras du frein d’urgence.
Et le problème c’est que je n’ai aucun moyen, sans ce téléphone demeuré dans la Fiat, de téléphoner à SmokingDragon pour savoir comment me rendre chez lui ; je n’ai pas son numéro personnel, non plus que celui de son cellulaire et pas davantage de son travail. Idem évidemment pour NoSmokingDragonette. Y a pas d’autre mot, je suis dans la merde. Oublions la lecture, tout comme la musique pour me détendre, je suis nettement trop crispé pour ça. Alors pour tenter de me changer les idées, je me colle le nez à la vitre pour regarder défiler le décor.
J’ai beau tenter de me réconforter en me disant que, de toute façon, je ne sais pas me servir ce de ces téléphones, rien n’y fait, je suis paniqué. Non, en fait je suis terrorisé à l’idée de débarquer à Paris, sans adresse précise, sans rien d’autre à retenir que Marne-La-Vallée, comme si c’était une résidence ! Me retrouver à la gare, coincé, sans endroit où aller, littéralement comme un sdf.
Je sais bien que vu du confort de son foyer, tout cela ressemble assez à une folle panique qui n’a pas raison d’être. Mais la donne est bien différente quand on est soi-même dans le bain. À six mille km de chez soi, aucun numéro de téléphone sous la main, absolument rien pour nous relier à la civilisation, on a beau avoir pris une douche moins de 48 heures plus tôt, changé de vêtements en quittant le lit le matin même, on n’est pas loin de se voir vraiment comme un sdf.
Et plus le train approche de Paris, plus je me sens proche du désespoir absolu. Certes, j’ai atteint un âge où on devrait avoir acquis un minimum d’expérience, voire d’indépendance. Mais je reconnais qu’avec l’âge on devient plus douillet. Du moins, moi je le suis devenu puisque je ne peux parler au nom de tous ceux qui ont un âge semblable au mien. En outre, ce n’est pas comme si on était itinérant depuis une dizaine d’années, voire davantage. Se retrouver, du jour au lendemain, itinérant alors qu’on a dépassé les soixante ans... Bref, non je suis loin de me sentir en pleine possession de mes moyens.
Ça y est, on vient d’annoncer la gare où je dois descendre. Alors tant pis, je me démerderai comme je pourrai. Alea jacta est, comme aurait dit Jules. Il n’est pas temps de me mettre à me morfondre, à pleurer sur mon sort. Faut que je me débrouille par mes propres moyens. D’abord, descendre, après avoir récupéré mon trésor, valise sans sangle, puis récupérer un banc ou m’installer pour réfléchir. Heureusement pour moi, il n’y a pas de bousculade. C’eut été le bouquet. Depuis plus de trente ans je vis dans des régions plus ou moins isolées, inutile donc de préciser que je n’ai pas l’habitude des bousculades. Comme l’heure de la rentrée au travail est dépassée, les gens sont moins dans l’urgence.
Ça y est, je sais ce que je vais faire sitôt que je me serai un peu dégourdi les jambes, je vais aller prendre un petit déjeuner. Je ne sais pas si les restos fonctionnent ici comme chez moi. À compter d’une certaine heure, les restos chez moi ne servent plus de petit déjeuner. On passe directement au déjeuner. Tant pis si je ne peux pas avoir de petit déjeuner. Je dois prendre mes bonbons et il m’est interdit de les prendre à jeun. Bon, allons-y. Je récupère ma valise et vais entrer à l’intérieur de la gare pour trouver un resto. En me relevant, j’entends derrière moi :
— ...vais
Je n’en fais évidemment pas de cas, je ne suis pas concerné, ne faut quand même pas que je me mette à avoir des hallucinations, tout de même. Y en a une qui a entendu des voix, et elle s’est retrouvée sur le bûcher, vendue aux Anglais. La somme était rondelette et, avec l’inflation elle le serait encore plus, mais la marchandise est dépréciée puisque je ne suis plus puceau. Et je n’ai plus dix-neuf ans. Enfin, oui je l’ai encore. Je l’ai même trois fois ! Et puis, de toute façon, quelle que soit la somme, ce n’est pas moi qui en hériterais. Alors cessons de rêver, « jeune » homme.
— Gervais...
Alors là, mon rêve est drôlement réaliste. On dirait que j’ai NoSmokingDragonette devant moi. À moins que ce ne soit un ange. Chose certaine c’est qu’elle a un sourire que je connais bien. Pincez-moi quelqu’un pour que je me réveille. Non, à bien y penser, que je n’en voie pas un s’approcher pour me pincer, parce que je l’envoie rejoindre ses ancêtres, foi de Passeur !
Oh oui, c’est bel et bien NoSmokingDragonette qui est devant moi, pas d’erreur possible. Si je ne me retenais pas, je crois bien que je lui sauterais au cou. Content de la voir ? Comment dire ? C’est tellement loin de la réalité, tellement peu dire par rapport à ce que je ressens dans les circonstances. J’ai déjà dit que je devais beaucoup aux deux Dragons pour ce voyage. C’en est un exemple parmi tant d’autres. Et il y en a tellement d’autres de ces exemples...
Petit a parte en passant : je sais que j’en ai parlé avec Leneveu lors de la marche (forcée) que nous avons eue ensemble, je ne sais pas si j’en ai parlé avec d’autres. Qu’en est-il pour d’autres qui ont eu des rencontres entre membres de la Noble Bouffarde ? Après les présentations, il m’est, personnellement, difficile de revenir au pseudo de mon interlocuteur. Ne faut donc pas trop s’étonner si, ici et là, je m’échappe et dévoile leur véritable identité. Comme j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs membres de notre communauté, par la force des choses j’en connais plusieurs.
— je ne peux pas rester longtemps, m’annonce NSD. J’ai quitté le travail pour venir te chercher.
— Je t’en suis d’autant plus reconnaissant. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi.
— Maintenant que tu es à la maison, sens-toi à l'aise. Les enfants vont rentrer un peu plus tard, ils sont prévenus. Je te prépare un déjeuner en vitesse avant de retourner au boulot. De ton côté, tu connais les airs de la maison, ta chambre est la même qu’en revenant de saint Claude. Installe-toi, je vais tout faire pour rentrer le plus tôt possible. Tu es chez toi. As-tu un programme pour cet après-midi ?
— Tout simplement me reposer.
— Oui, on a su que tu avais été malade, t’as d’ailleurs maigri. Un peu de repos ne te fera pas de tort. N’hésite pas si tu as envie de faire un somme, mets-toi à ton aise.
Vite fait, un bon café et un casse-croûte pour me permettre de prendre mes bonbons et mon ange-gardien repart à son travail. Au fond, je me sens, je me sais privilégié avec ce voyage. D’abord l’offre de Pierre, puis la générosité de Mélu qui n’était nullement tenue de me pousser dans le dos pour que j’accepte l’invitation. Pis encore, accepter de me voir partir seul et préparer mes bagages pour s’assurer que, dans l’énervement, rien d’important ne soit oublié. Et tous ceux qui m’ont hébergé gratuitement, Papa et maman Piagru, Leneveu / Tabadoc et Bretonnette, la famille Dragon, mes anges gardiens de tous les instants  qui se sont concertés pour s’assurer que rien de fâcheux ne m’arrive, encore une fois Tabadoc et Bretonnette, madame et monsieur Dragon, même ceux qui, mine de rien, dans l’ombre, surveillaient la première défaillance de ma part pour venir  à ma rescousse comme Bandit, ceux qui se sont occupés de souligner ma présence sur le sol français, Demosthène qui nous a accueillis, mes compagnons de voyage et moi en partant de saint Claude, Scytale du forum autourdelapipe.com, Sevenpipe que j’ai contacté par courriel et que je dois voir quand je serai rendu en Alsace. Et puis, comment pourrais-je oublier SmokingDragon qui est allé jusqu’à prendre quelques jours de congé à son boulot pour me promener dans Paris, pour s’assurer que je puisse voir tout ce que j’avais envie de voir.
Je suis dans la chambre que la famille Dragon a mise à ma disposition, et après avoir enlevé mes chaussures, étendu en travers du lit, je songe à toutes ces personnes qui ont rendu possible ce voyage et ça m’étourdit. C’est un peu comme si j’avais gagné un voyage où tout était organisé à l’avance où, hormis les frais du voyage, tout eut été organisé pour m’enlever absolument toute espèce de soucis. Comment pourrais-je ne pas me sentir redevable envers toutes ces personnes ?
Je ne sais pas à quoi ressemblera le reste de mon voyage, mais pour le moment j’ai l’impression d’avoir été privilégié comme ce n’est simplement pas possible. Demain ? «Tomorro’s an other day» prétendent nos amis de la perfide Albion, alors on verra demain ce qu’il en est. Et, la fatigue aidant, la noirceur de la pièce, l’esprit libéré de toute espèce de soucis, je sombre dans un sommeil réparateur.
Combien de temps ai-je dormi ? je ne saurais le dire. J’entends, dehors, les deux Shiba Inu de la famille Dragon, j’en arrive donc à la conclusion que quelqu’un est arrivé, soit l’un ou l’autre des enfants, soit  l’un ou l’autre des parents. Mais je vote pour les enfants, la lumière me paraît trop crue quand je sors de ma chambre, trop après-midi pour que l’un ou l’autre des deux parents soit en cause. Enfin, c’est ce qu’il me semble... Gagné ! C’est Lucie, la poétesse, auteur-compositeur de la famille.
Je la rejoins dans la cuisine et nous commençons à discuter ensemble comme si nous nous connaissions depuis des lustres. Tout comme les parents Dragon, Lucie a un étonnant magnétisme. Ceux d’entre vous qui ont eu le plaisir de la rencontrer vous confirmeront mon propos. Exubérante, rieuse, frondeuse comme on l’est au cœur de l’adolescence, le verbe haut, sûre d’elle-même, c’est vraiment un plaisir de faire sa connaissance.
Puis, peu à peu, les plus jeunes arrivent à leur tour et enfin Maman Dragon, la souriante et lumineuse NoSmokingDragonette. C’est également valable pour elle, lorsque vous l’aurez rencontrée ne serait-ce qu’une fois, vous ne l’oublierez pas de sitôt. J’aurais tendance à dire que c’est un ange, mais on a tellement utilisé le mot à toutes les sauces et pour n’importe qui que le terme est devenu plus ou moins éculé. Chose certaine, on éprouve rapidement un très profond attachement à son endroit.
Arrive enfin le Maître, le Grand Dragon. Avec son mètre quatre-vingt-dix, n’était-ce que pour ce point, je crois qu’on peut effectivement utiliser le terme «grand» sans risquer de se fourvoyer. SmokingDragon m’annonce de but en blanc qu’il a décidé de prendre congé de travail pour m’accompagner dans Paris, pour m’éviter de me perdre et me permettre en même temps de voir tout ce que j’ai envie de voir dans Lutèce. Si ça ce n’est pas de la gentillesse, je me demande bien ce que ce peut être. Reste à savoir, maintenant, ce que je veux voir.
Le téléphone sonne. SmokingDragon va répondre et s'esclaffe. Salut Éric, oui il est bien rentré. Sans le moindre problème, Christine est allée le chercher à la gare. Il est maigre, mais nous allons nous occuper de ça. Quoi? Ah non, le con ! Il perd son matériel avant d'arriver chez toi, laisse le téléphone dans la voiture à Nantes, laisse sa veste chez toi, il vient de nous annoncer qu'il a perdu son billet de retour... Va falloir le surveiller parce que d'ici à ce qu'il parte, il est capable de s'oublier lui-même quelque part... Bon d'accord, envoie ça chez lui, ça l'empêchera de le perdre à nouveau. Nous allons nous organiser pour le dépanner pour le reste de son voyage.
Évidemment je ne suis pas long à comprendre qu'il est en train de parler de moi et plus il parle, plus ma tête descend dans mon cou. Je vois bien que le con dont il parle c'est moi.  Et le pire c'est qu'il a raison.  Mais qu'est-ce que j'ai bien pu laisser à Plouvien? Je ne le saurai qu'à la fin de la communication entre SmokingDragon et Tabadoc, chose qu'il dévoilera devant toute la famille, ce qui confirme, grâce à l'humour des enfants et au sarcasme de Lucie, que je suis vraiment un con fini.
Sitôt que j’annonce les couleurs de mes projets touristiques, je vois le visage de mon hôte s’allonger et blanchir. Je n’ai pourtant pas donné une liste d’un kilomètre de long, je n’ai identifié qu’un unique endroit, le Père Lachaise. Comment peut-on être Passeur et se désintéresser des cimetières ? J’aurais bien dit également le cimetière de Montmartre parce que je sais qu’il y a des monuments époustouflants — n’oublions pas que je me suis documenté pendant quarante ans avant de faire ce voyage ! — mais je crains de manquer de temps. Alors je me contenterai du Père Lachaise. Quant à l’autre lieu, évidemment Notre Dame, où j’ai espoir de voir, d’entrevoir Quasimodo et la belle zingara du vieil Hugo.
Ce dernier point touristique obtient d’amblée l’assentiment de mon compère. Quant au Père Lachaise, je ne sais pas pourquoi, mais il est clair que mon hôte est loin d’être emballé par l’idée d’aller se frotter aux fantômes de ce cimetière. On verra demain. Pour le moment, j’avoue être crevé. Sans doute les derniers miasmes des maux qui m’ont tenu au lit pendant deux jours, mais je suis réellement crevé. D’autant que demain risque d’être une longue journée. Après la journée, y a la soirée chez le vieux complice Scytale. Sitôt le repas terminé, donc, je demande à mes hôtes le droit de me retirer dans mes retranchements, ce qu’ils m’accordent de bonne grâce.

Excellent mon cher Passeur, plaisant, frais comme un matin.
Bref, je suis fan, comme tu le sais déjà.

Bravo! très intéressant et bien écris.

Mon cher frère, peut-être ai-je eu du courage, mais que dire de toutes ces personnes / familles qui m'ont ouvert avec une extrême générosité leur porte, m'ont accueilli à leur table, m'offrant même le coucher? Je t'assure que je leur suis et me sens à leur endroit sincèrement et profondément redevable.
Enfin, j'avais dit, au début du récit de ce périple, que je le raconterais avec franchise, on ne pourra certes pas prétendre que j'ai dissimulé mes mauvais coups et mes frasques

Excellent Gervais, excellent.

Superbe récit ,les détails sont succulents .

Le Passeur a écrit:Mon cher frère, on ne pourra certes pas prétendre que j'ai dissimulé mes mauvais coups et mes frasques

Ah !!! tu veux dire que ce sont ceux qui t'ont reçu qui avaient du courage ???

Mais non, je n'ai pas le sentiment qu'ils le regrettent !!!

Ceci dit, la prochaine fois, une  valise robuste et le portable en bandoulière pourraient être une option intéressante non ?

Frère Cadfael a écrit:Ceci dit, la prochaine fois, une  valise robuste et le portable en bandoulière pourraient être une option intéressante non ?

Ne t'en fais pas, le dossier a déjà été réglé... Mais ne brûlons pas les étapes...

Excellent comme toujours, Passeur tu es un voyageur bien distrait...

Brunaros a écrit:Excellent comme toujours, Passeur tu es un voyageur bien distrait...

Pas faut, mais les émotions, la fatigue et la maladie doivent y être pour beaucoup je pense !

Merci Gervais pour ces lectures. Cela semble souvent naïf mais tellement humain. J'adore!

little smoke a écrit:

Brunaros a écrit:Excellent comme toujours, Passeur tu es un voyageur bien distrait...

Pas faut, mais les émotions, la fatigue et la maladie doivent y être pour beaucoup je pense !

te voilà ayant peur du mot «faux» au point de convertir en verbe falloir?
N'empêche que j'aurais tendance à te donner raison même si, à prime abord, ça pourrait passer pour une excuse un peu facile pour me disculper

Là tu m'as eu !!

little smoke a écrit:Là tu m'as eu !!

Alors je suis heureux

Jeudi 17 octobre, mon ROYAUME !
 
Tout bien considéré, j’ai deux pays : celui qui m’a rejeté par la signature de Louis XV et celui qui n’est pas encore (étrange d'écrire ce chapitre le jour anniversaire de ce référendum qui nous a été volé). On pourrait dire que je suis sans patrie, aussi errant et apatride que les Acadiens de 1755 et, tout comme pour ces derniers, les responsables ou leurs représentants refusent de reconnaître leurs torts. Le colonialisme est chose odieuse. Je ne le savais pas encore quand j’étais gamin. Je rêvais de visiter la France ignorant que j’en tomberais profondément amoureux, attiré par elle sans savoir pourquoi. Un peu comme le nourrisson qui se jette sur le sein nourricier. Sans savoir pourquoi il agit ainsi, ce geste l’apaise. Je représente la treizième génération de ma famille en terre d’Amérique. Et pourtant on m’a dit que par delà ma langue, je suis encore bien Vendéen. Comme quoi, on ne peut renier ses racines... Mais nous nous égarons. Remarquez au passage qu’un apatride égaré c’est un peu normal, ce qui l’est moins c’est l’égarement de ceux qui le suivent. Reprenons donc la scène où nous l’avions laissée.
Je n’ai jamais su pourquoi. J’ai réussi à savoir que c’est un état de fait, mais rien de plus. Et pourtant, je suis convaincu que le savoir à l’avance, j’aurais pris les dispositions pour y aller seul de façon à éviter d’indisposer inutilement mon ami. J’ai une profonde et sincère amitié à l’endroit de SmokingDragon, je l'ai dit et le répète. Je pourrais lui faire des blagues (j’ai assez d’amitié à son endroit pour ça), mais volontairement l’indisposer ? Non, c’est contre mes principes quand l’amitié est en cause. Sitôt le petit déjeuner ingurgité, nous voilà assis dans sa voiture.
— Voilà, c’est le départ ! Où est-ce que tu veux aller aujourd’hui ?
—Je te l’ai dit hier, au Père Lachaise.
— Non, sois sérieux.
— Mais je suis sérieux, Marc !
 Et le voilà qui blanchit à nouveau. Rien n’est plus sérieux, comment le Passeur pourrait-il passer près d’un cimetière sans s’y arrêter ? C’est étrange, on dirait presque, à voir ses réactions, que je cherche à me payer sa tronche. Et pourtant, jamais je n’oserais. Blaguer, d’accord, mais délibérément me payer sa tête, ce serait vraiment mal me connaître.
Et nous voilà partis pour le 20^e arrondissement, bien attachés, en direction du Père Lachaise. J’ai un peu l’impression que mon ami roule en deçà de la limite légale. Bon, peut-être ai-je cette impression parce que je l’ai vu blanchir, mais je ne jurerais de rien en la matière. De toute façon, il est plus apte que moi à savoir ce qui est légal ou non. Alors, pendant qu’il nous mène vers le lieu qui semble être au centre de ses hantises, je tente de le rassurer ou à tout le moins lui faire comprendre ce qui me « contraint » à aller en ces lieux, lui racontant les circonstances dans lesquelles je me suis retrouvé dans cette obligation, lui révélant que c’est une promesse que je me suis faite vingt-sept ans plus tôt que, sitôt que je viendrais à Paris, je me rendrais au Père Lachaise.
Pour les curieux, je suis désolé, je ne peux me permettre de dévoiler ici les raisons et circonstances qui m’ont emmené à me faire une telle promesse. Il s’agit d’éléments, de circonstances, de personnes qu’on ne peut se permettre d’afficher sur internet, sans risquer de voir ces personnes dans l’embarras, ce que je ne voudrais évidemment pas.
Par ailleurs, lors d’une visite chez lui, j’ai promis à Berny que lorsque j’irais au Père Lachaise, j’en profiterais pour lui rapporter des photos d’une tombe représentant, avant les amoureux mythiques de Shakespeare, de véritables amoureux qui furent en leur temps, en chair et en os, Héloïse et Abélard. Pour en avoir discuté avec lui, je sais que ce n’a rien d’un caprice enfantin ; je sais qu’il voue au couple un véritable culte. Alors, par amitié pour lui, je ne sais pas comment je la trouverai, mais je ferai tout ce que je peux pour trouver ces amoureux. Parce que par-delà le personnage Berny, j’ai une sincère amitié pour l’homme.
Je sais, ça semble facile à dire puisqu’il y a un certain « risque » qu’il lise ces lignes, mais j’assume pleinement mes paroles. Enfin, je voulais aller « sur » les tombes de ceux qui ont permis l’ouverture de ce cimetière au XIXe siècle. Si on connaît tous le Père Lachaise, tous ne savent pas qu’au XIXe siècle, lorsque le terrain fut récupéré des jésuites pour une dette de l’un des leurs, après de nombreuses transactions, le terrain revint à Nicolas Frochot contre la somme de 180 000 francs et devint un cimetière contrairement aux édits établis par Napoléon qui refusait un cimetière en les murs de Paris. Au passage, le cimetière fut ouvert en 1804 mais n’eut pas l’heur de plaire aux Parisiens qui refusaient d’y voir entrer leur sépulture. Il fallut, pour les « dégeler », qu’on y emmène, en 1817, les sépultures de quatre mythiques Français : Héloïse et Abélard, les préférés de notre ami Berny, de même que La Fontaine et Molière.
On me permettra ici un certain scepticisme quant à la dépouille de Molière. On nous dit avoir la certitude que La Fontaine est bel et bien La Fontaine. Je veux bien le croire, puisque je n’ai pas de preuve du contraire, mais bon... Quant à Molière, en sa qualité d’homme de théâtre, au mieux, excommunié, il eut droit à une fosse commune. Comment alors prouver que les ossements reposant dans son sarcophage sont bien les siens ? Mais bon, ceux et celles qui vont rendre hommage à Molière « sur » cette tombe ne font, dans mon esprit, pas fausse route. Même s’il n’a pas été mis en terre dans votre salon, rien ne vous empêche, dans ma perspective, de lui rendre hommage chez vous...
 

Certes on finit toujours par retrouver la sortie, mais ni mon ami qui cherchait de son côté, ni moi, n’avons été capables de trouver les tombes de Rossini, Musset, Desproge, Gustave Doré, Champollion, Oscar Wilde, Balzac, Piaf , Daudet à qui je dois ma plume et de nombreux autres que j’avais en tête. Quant à Molière et La Fontaine, nous avons bien eu besoin au minimum d’un bon trois quarts d’heure, sinon davantage, pour les trouver. Je sais, il y a le plan, mais il n’est pas à tous les coins de rue, encore moins dans nos poches...J’avoue sincèrement que, question plan, sur celui-ci j’ai quitté les lieux déçu.
 
 
Nous avons continué à chercher, parce que je tenais à me montrer digne de confiance à l’endroit de Berny. Une promesse c’est une promesse et, pour moi, c’est sacré ; qu’elle me soit faite ou que ce soit moi qui la fais. Il n’était donc pas question de la rompre. J’ai alors vu mon compagnon retrouver pour quelques instants des couleurs, le temps que nous trouvions de quoi plaire à mon ami resté de l’autre côté de l’Atlantique. Puis j’ai découvert un coin de rue, j’en ai profité pour y photographier le « propriétaire » des lieux.
 
 
Continuant à errer dans cet immense parc, nous avons eu tout à loisir de voir anges, hommes, pleureuses, soldats, monuments de toutes sortes, de même qu’un soldat qui l’a échappé belle :
 

Vu également de quoi plaire à mon ami Armoricain, même s’il n’est pas le seul amateur de l’œuvre de ce composteur, Frédéric Chopin. Ici comme du côté de Molière et La Fontaine, ce qui me frappe, c’est la chance qu’ils ont d’être morts, tant leur espace est réduit. Vivants, ils seraient morts étouffés...
 
 
Avec ses 69 000 tombes, vous comprendrez qu’il n’est pas facile de se retrouver au Père Lachaise ou si vous préférez son ancienne appellation, le Mont-Louis (en l’honneur de Louis XIV qui y aurait séjourné étant gamin) et même si le monument est imposant, sans doute l’un des plus importants sinon le plus important en terme de volume et d’espace, il n’est quand même pas si facile que ça de mettre la main sur Héloïse et Abélard. Et, tout à coup, au tournant de la rue Casimir Perier, un monument aux allures de chapelle ardente. Dragon et moi nous approchons et découvrons les deux amoureux privés de leur vie, réunis pour l’éternité. Je suis fébrile, j’ai donc dans la mire de mon petit appareil photo cette image qui rendra heureux Berny.
 

Me voilà maintenant satisfait, même si je n’ai pas vu le quart de ceux que je désirais voir. D’autant que mon ami Dragon est de plus en plus pâle, comme s’il était sur le point de remettre son petit déjeuner. Alors je lui propose de quitter les lieux, pour peu que nous arrivions à trouver la porte d’entrée. Sans chercher à lui manquer de respect — je l’ai déjà dit, non seulement j’ai de l’amitié pour lui, j’ai également un immense respect — sitôt que j’ai mentionné « si on peut trouver l’entrée », mon ami est parti un peu comme les chiens d’escouade canine entraîné à pister les narcotiques. Et n’ayez crainte, rapidement, il la trouva...
Après s’être arrêtés aux portes de Notre-Dame pour reprendre des forces, avec un  stationnement qui nous permettait d’en profiter pour visiter les environs avant de prendre enfin la direction de Notre-Dame. Comme tout rêveur qui se respecte, j’avais certains rêves (bien qu’utopiques) pour ce qui a trait à Notre-Dame. Il y a longtemps que j’ai lu le roman de Victor Hugo. Ça fait partie de mes lectures d’adolescence, à l’époque où je me suis rebellé contre l’église, au sortir du séminaire. Je ne comprenais pas et ne comprends toujours pas pourquoi le vieux crocodile, comme l’appelait Flaubert était à l’Index quand j’étais sur les bancs de la petite école. Certes il n’a pas été tendre à l’endroit de l’église en certaines occasions, mais ne serait-ce qu’avec ce roman-fleuve, n’a-t-il pas permis aux vendeurs du temple d’engraisser le veau d’or ? Oui il s’en est pris à l’autorité, entre autres celui qu’il appelait « Napoléon le Petit », mais s’il l’a fait c’est parce que c’était un humaniste dans la plus pure expression du terme.
Comme en fait état le magazine L’Express dans sa livraison du 16 février 2012, « Anticlérical, le démiurge Hugo entretient un rapport passionné avec Dieu ». Il détestait les prêtres, mais savait faire preuve de mesure. Il dépeint l’archidiacre Frollo dans Notre-Dame avec une plume trempée dans le fiel. Mais comment nier la bienveillance du bien nommé Monseigneur Bienvenue à l’endroit de Jean Valjean ? Pour être capable d’une telle retenue, Hugo ne pouvait faire autrement que « donner l’absolution » à certains ecclésiastiques. Mais il est incontestable que ces derniers ne formaient pas la majorité. Et pourtant Dieu est omniprésent dans son œuvre, pour peu qu’on accepte l’existence de Dieu. Je sais, il y en a qui souriront à voir ces mots sortis de mon clavier... On n’a qu’à lire ses écrits politiques pour s’en convaincre. Ou encore feuilleter sa poésie. Mais nous nous égarons une fois de plus. Il est cependant vrai que si je ne sais pas faire preuve d’éloquence comme lui, je demeure un inconditionnel de Hugo, tout comme je le suis de Molière ou Rabelais (et quelques dizaines d’autres...). Je ne me souviens plus qui a dit que, Hugo se présentant devant Dieu en mai 1885, ce dernier s’est avancé, lui tendant la main, l’accueillit par ces mots « Bonjour collègue !», ce qui est très éloquent en soi, selon moi.
Victor Hugo, le père de l’Euro, le père de la CEE, le père de la soupe populaire, l’éternel combattant contre la peine de mort, le féministe un siècle avant l’heure et j’en passe. Je le répète pour les sceptiques, fouillez ses écrits politiques, vous serez étonnés... Mais je constate qu’une fois de plus je suis reparti. Je m’arrête donc sur le cas de Victor Hugo et reviens à Notre Dame.
Sans doute comme des dizaines de milliers de lecteurs de Hugo, je rêvais d’entrevoir du haut des tours abritant les cloches, Quasimodo épiant sa belle zingara, la surveillant dans l’espoir qu’elle daigne bien lever les yeux sur lui. J’ai même fait savoir à mon compagnon que j’avais envie de monter dans les clochers dans l’espoir de voir ce malheureux infirme, mais aussi, je ne l’ai nullement caché, photographier de près, à leur hauteur, les gargouilles les plus célèbres de Paris. Mais SmokingDragon m’a répondu que je n’étais pas assez en forme pour une telle ascension. Je reconnais que, dans l’immédiat, j’étais  profondément déçu, d’autant que j’avais la conviction que mon ami avait tort sur ce plan.
A posteriori, je dois néanmoins reconnaître que mes problèmes de santé n’étant antérieurs à cette journée que de moins d’une semaine, il avait absolument raison. Si j’avais repris mes esprits depuis cet épisode, je n’avais pas totalement récupéré ma condition physique. Je continue néanmoins à être déçu de n’avoir pas pu monter dans les clochers, même sachant pertinemment que je n’y aurais pas vu Quasimodo. C’était néanmoins continuer ma lancée sur les traces des vieux monuments érigés par des hommes qui savaient écouter la pierre et le verre, qui avaient l’art de les faire parler et de leur donner toute leur magnificence, les Compagnons bâtisseurs de cathédrales.
 

Si le Père Lachaise accueille plus de trois millions de visiteurs par an, son intérêt touristique est fable en comparaison avec Notre-Dame qui, elle, accueille, selon Wikipedia, plus de vingt millions de visiteurs annuellement. Tout temple chrétien qu’elle soit, elle accueille comme SD et moi avons pu le constater, également des touristes d’autre obédience, juifs ou islamistes. C’est dire son importance, par-delà son appartenance au rite catholique. Avec une telle affluence, inutile de préciser qu’on fait la file indienne pour y entrer, bien qu’une fois à l’intérieur, on peut rester et visiter aussi longtemps qu’on le souhaite. Ill est d’autant plus agréable d’y errer que peu de secteurs demeurent hors d’accès au visiteur.
De nombreuses légendes existent au sujet de Notre-Dame. Certains prétendent que les portes de la façade auraient été construites par le diable lui-même dans les forges de l’enfer, en échange de l’âme du forgeron qui en avait obtenu le contrat et qui se voyait incapable de livrer l’ouvrage dans les temps requis, ce qu’infirme le ferronnier d’art Pierre-François Boulanger qui a gravé sur les pentures médianes la mention qu’elles étaient son œuvre. On dit aussi que Notre-Dame est construite sur les restes d’un temple gallo-romain dédié à Jupiter, ce qui serait attesté par la découverte du Pilier des Nautes au XVIII^e siècle.
 

Ici aussi on trouve une statue de la pucelle d’Orléans ce qui, cette fois-ci, est justifié par le fait que c’est à Notre-Dame que sa réhabilitation fut décidée. Également sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sans parler d’autres saints et bien entendu des cardinaux qui ont eu la charge de Notre-Dame comme l’archevêque Denis-Auguste Affre mort, comme il est dit sur le monument, « victime de sa charité » en 1848. J’y ai même trouvé mon effigie quoique je n’aie pas été (pour le moment) canonisé...
 

Également, des peintures, souvent œuvres de maîtres ; la « tunique de saint Louis », ce qui me laisse quelque peu perplexe. Quoique le lin soit durable, conservé dans cet état, un vêtement datant du XIII^e siècle... Évidemment, puisque je ne crois pas aux miracles, tout saint que soit saint Louis, j’ai des doutes quant au fait qu’il ait conservé sa tunique dans un tel état pendant six siècles. Parlant de vêtement, on y trouve ...je ne me souviens plus le nom que celui-ci porte, je crois que c’est la chasuble mais n’en suis pas certain. Quoi qu’il en soit, on y trouve l’unique exemplaire de ce truc hors le Vatican porté par un pape, en l’occurrence JP II. Et on ne parle toujours pas des dorures et objets de culte aux dimensions époustouflantes comme ce chandelier :
 

Quant aux dorures et verroteries, cet ostensoir, réplique de l’original qui fut volé lequel avait été offert par Louis XVIII pour le Te Deum du 12 octobre 1823 pour la délivrance du roi d’Espagne vous en donnera une idée.
 

Quoi qu’il en soit, quel que soit l’usage auquel cet édifice est voué, premier monument e Europe quant à l’affluence du tourisme, Notre-Dame vaut son titre en matière de tourisme et vaut le détour. Il y a même un office religieux qui ne nuit nullement à la visite et vice versa. Je ne saurais cependant dire si c’est en continu ou si c’est le fruit du hasard s’il y en eut un pendant notre visite.
 

Au sortir de Notre-Dame, finalement, nous avons décidé de traverser la Seine pour aller griller une bouffarde amarrés au quai, tout en prenant un verre, avec Notre-Dame en toile de fond, satisfaits, avant de rentrer à la maison. Et j’ai trouvé, chez l’un des vendeurs agglutinés le long du chemin pour retourner à la voiture, un exemplaire de la poésie de Villon. Satisfait de ma journée ? jugez-en par vous-mêmes :
 

 
Nous devons donc faire vite pour rentrer à la maison pour le souper dîner, parce que nous sommes attendus, ce soir, chez Luc Degeorges dit Scytale, l’administrateur du forum autour de la pipe. Scytale est le premier qui, rencontré sur un autre forum, m’a invité chez lui, me promettant que le jour où je passerais par Paris, il prendrait les dispositions pour souligner l’événement avec un grand pétun, ce qui remonte à ...bien des années.
Quoi qu’il en soit, me voilà à Paris et avec l’appui de SmokingDragon et de Bandit, Scytale tient parole. Et quand Scytale décide de souligner un événement, je vous assure qu’il n’y va pas, comme on dirait chez nous, avec le dos de la cuiller. On a beau sortir de table, y a de quoi se sustenter... et ce n’est qu’une partie des victuailles.
 

Beaucoup de fumée, de sorte que bien des photos sont sans valeur autre que pour le souvenir....
 

Évidemment étaient présents les éternels amoureux
 
 
Tout comme Syl20H que nous n’avons pas revu depuis un certain temps parmi nous,
 

Avec beaucoup de monde
 
 
Bien entendu le maître d’œuvre lui-même,
 
 
Bandit fumant son bouchon vaudois
 
 
Encore beaucoup de monde...
 
 
De grandes discussions avec l’ami Xvarnah (à gauche) rencontré sur le même forum que Scytale avec lequel j’ai eu, jadis, via MSN Messenger de très longues conversations. Lui aussi au passage, fait partie du forum autour de la pipe.
 
 
Des habitués
 
 

Mais je ne serais indiscutablement pas capable de nommer tout ce beau monde. Dans l’euphorie du moment, il y a bien des noms et des visages que j’ai oubliés... Je suis néanmoins sincèrement reconnaissant à Scytale (ou Luc c’est selon...) pour l’amitié, la générosité dont il a fait preuve à mon endroit. Si besoin est, il a magnifiquement prouvé qu’on peut « appartenir » à un forum sans arracher les cheveux sur la tête des membres d’autres forums. J’ai sincèrement apprécié son geste.

Merci pour ce magnifique compte rendu, mon cher Passeur et ami Gervais. Eh oui, j'ai un énorme respect pour ces deux amoureux, en tant que couple et pour chacun séparément en tant qu'individu, penseur et artiste; la plus belle histoire d'amour tragique qui soit connue, à mon sens. Et un gros merci pour tout l'effort que tu as déployé à trouver le monument pour prendre les photos ( je ne savais pas que je t'avais fait tant travaillé); tu es un homme de parole en effet... ce n'est pas si courant de nos jours.