Tobacco Unplugged

Nouvelle production de plug maison!

Mais avant la photo, une petite histoire... Le seul pipe-club "incarné" que j'aie fréquenté est celui de Shinagawa à Tokyo. Il y avait là des jarres individuelles (anonymes) que chacun des membres remplissait de ses tabacs testés mais pas forcément adorés. Du coup, chaque jarre contenait un pot-pourri de tabacs assez hétéroclite. Tout le monde pouvait puiser gratuitement dans les jarres des autres. Mais surtout, le jeu était de s'essayer à fumer ces mélanges mystère et de retrouver qui avait rempli la jarre. Chaque jarre, puisqu'elle était remplie par un membre spécifique du club, avait une dominante marquée: aro fruit, aro caramel/vanille, latakia, va/per, etc...

Bref, j'ai toujours chez moi une jarre dans laquelle je mets les tabacs que je trouve vaguement passables mais pas extraordinaires. Ça fait là aussi un mélange hétéroclite de tabacs dont on a toujours l'espoir qu'ils seront meilleurs mélangés que fumés individuellement. Des fois ça marche, des fois non

C'était l'occasion de tester la création d'un plug avec mon actuel mélange foireux, pour voir surtout s'il est possible de compresser des tabacs sans ajout de liquide ou de sucre. Ben voui, ça marche parfaitement, les sucres naturels des tabacs et le probable propylène glycol sont un liant suffisant pour transformer n'importe quelle mixture du commerce en plug avec assez de pression.

Notez comme le sucre des tabacs est remonté en surface du plug. C'est tout brillant!



Dans le plug du jour et dans le désordre, il y a (entre autres):

- du vieux Drew Estate Meat Pie
- un reste de Lancer's Slices trop émietté pour être fumé tel quel
- du Pease Quiet Night
- du Germain Medium Flake
- du Savinelli Giubileo d'Oro
- du MacBaren Plumcake
- du Lane 1Q
- du Pease Virginia Cream
- un fond de Germain Plumcake
- du C&D Blockade Runner
- du Frog Morton's Cellar

Ben y a pas à dire, j'en fume une petite tranche maintenant dans une maïs et c'est loin d'être mauvais. Un "latakiaro" bizarroïde, mais la pression a arrondi l'ensemble de manière tout à fait réjouissante!

C'est beau à voir en tous cas.
Impressionnant en effet comme ton plug semble bien compact !  J'imagine que les tabacs utilisés étaient encore bien humides?
Quel nom as-tu donné à ce mélange?

Je ne sais pas si c'est parce que j'ai faim, mais je trouve ce plug appétissant !

Rascar Capac a écrit:Je ne sais pas si c'est parce que j'ai faim, mais je trouve ce plug appétissant !

C'est parce qu'il ressemble à un pain d'épice !!!

Pourquoi, mais pourquoi cela me rappelle-t-il la recette du "ragoût irlandais", dans le fameux : "3 hommes dans un bateau", de Jerome K. Jerome ? Et tout cas, "Irish stew" me semble un nom tout à fait adapté, pour ce joli plug 


"George déclara qu’il était absurde de ne mettre que quatre pommes de terre dans un ragoût irlandais, aussi en lavâmes-nous une demi-douzaine de plus, que nous jetâmes dans la marmite sans les éplucher. Nous y ajoutâmes également un chou et une demi-mesure de pois. Après avoir mélangé l’ensemble, George nous assura qu’il restait encore de la place. Nous fouillâmes donc dans les deux paniers pour en retirer divers restes qui furent additionnés au ragoût : la moitié d’un pâté de porc et un morceau de lard, ainsi qu’une demi-boîte de saumon que George avait dégotée je ne sais où, le tout jeté en vrac dans la marmite.
L’avantage du ragoût irlandais, précisa George, c’est qu’il vous débarrasse de tous vos rogatons. Je repêchai deux œufs qui s’étaient cassés, et ils servirent d’adjuvants. Ils épaissiraient la sauce, nous affirma George.
J’ai oublié les autres ingrédients, mais je sais que rien ne fut gaspillé, et je me souviens que, vers la fin, Montmorency, le chien, qui avait suivi l’opération avec un grand intérêt, s’éloigna d’un air réfléchi, pour réapparaître quelques minutes plus tard, un rat d’eau crevé dans la gueule, qu’il souhaitait de toute évidence nous offrir comme sa contribution personnelle au dîner. Son geste fut-il dicté par esprit de sarcasme ou désir de bien faire ? Je ne puis le dire.
On discuta de savoir s’il fallait ou non ajouter le rat. Harris prétendit qu’il irait très bien, mélangé au reste, mais George invoqua la tradition. Jamais rat d’eau n’était entré dans la confection d’un ragoût irlandais, déclara-t-il, et il préférait s’en tenir à la recette originale et ne pas risquer des expériences inédites. Harris lui répliqua :
« Si tu n’essaies jamais rien de nouveau, comment peux-tu savoir si c’est bon ou pas ? Ce sont des hommes comme toi qui entravent le progrès. Songe donc à celui qui a goûté le premier à la saucisse de Francfort ! »
Ce ragoût irlandais fut une grande réussite. Je ne crois pas avoir jamais apprécié un mets à ce point. Il avait un de ces goûts rafraîchissants et piquants à la fois ! Le palais se lasse si vite de la quotidienne rengaine alimentaire : ce ragoût offrait pour le moins une saveur nouvelle, une saveur à nulle autre pareille."

Sympa ce latakiaro   on en mangerait 

Lightmyfire a écrit:C'est beau à voir en tous cas.
Impressionnant en effet comme ton plug semble bien compact !  J'imagine que les tabacs utilisés étaient encore bien humides?
Quel nom as-tu donné à ce mélange?

Pour le nom, c'est "bakudan plug". Le jeu de tests à l'aveugle du pipe-club de Shinagawa s'appelait "bakudan", qui veut dire "explosif" en japonais. À l'origine, le "bakudan", c'était l'alcool frelaté des marchés noirs de l'immédiat après-guerre à Tokyo. Et comme Shinagawa est resté un quartier très col bleu, leur "bakudan tobacco" est un hommage à l'époque.

Non, les tabacs n'étaient pas vraiment humides. Certains étaient même très secs. Mais il y avait aussi de ces tabacs qui ne sécheront jamais, le MacBaren et le 1Q notamment. Il doit y avoir plein de monoglycène de plutamonium et d'hydrochlorures humectificatoires là-dedans.

Excellent !

C'est joli, c'est appétissant, et c'est une jolie façon de donner une seconde vie à ces tabacs qui le plus souvent sèchent au fond d'une boîte, sans affection.

Impressionnant, tu obtiens ça en appliquant quelle pression et avec quoi?

Internazionale a écrit:Impressionnant, tu obtiens ça en appliquant quelle pression et avec quoi?

Ça, amigo, c'est des mois d'étude, de tests et d'échecs. Pour un résultat d'une simplicité désarmante au final. J'ai tout essayé, de la presse de reliure à la presse hydraulique 10T (ouais, 10 tonnes!!!) et jamais ça ne tenait. Là, le plug présenté ici, tu peux couper un flake fin comme du papier à clope, et ça se tient parfaitement.

Mais comme je suis un gars super, voilà le matos et les secrets.

Un cadre en bois, un carrelet et une planche. Faut que ce soit du costaud. Dans mon cas, du sapin 3-plis de 18mm d'épaisseur. L'intérieur du cadre fait 150(longueur)x100(hauteur)x40(largeur)mm. Le carrelet fait 149X39mm. Faut juste que ça coulisse dans le cadre.



Garnir l'intérieur du cadre de papier sulfurisé (si on met directement le tabac contre le bois, impossible de démouler!). Remplir le moule de tabac, tasser avec le carrelet, remplir le moule, tasser, remplir, tasser, etc. Une fois qu'on n'arrive plus à tasser à la force des doigts...



...prendre 3 serre-joints (il n'y en a que deux sur la photo, mais bon... c'est pour la photo). Serrer de manière uniforme. Le tabac pourtant déjà diablement tassé va encore perdre environ 50% de son volume.



Ne surtout pas retirer les serre-joints. Enfourner à 60-70°C pendant 3-4 heures (edit: redonner un tour aux serre-joints à mi-cuisson). Le tabac se dilate sous l'effet de la chaleur, les sucres ressortent. C'est ça le secret! Plus de pression ne sert à rien. Après la chauffe, laisser 3-4 jours minimum en moule. Il faudra encore de redonner quelques tours de serre-joint durant ce laps de temps.

Hormis le "gain de place" et l'exercice de chimie amusante, ça marie vraiment les goûts pour donner un truc super rond et smoooooth. Et puis un plug, ça fait tout de suite balèze. Exemple:

Pause de midi avec les copains sous les platanes. Après le saucisson à l'ail et le claquos, t'essuies ton surin contre ton pantalon et tu te coupes une petite tranchouille de ton plug. Tu bourres ta vieille Courrieu toute brûlée sur le dessus et tu demandes -l'air distrait- au gars d'à-côté qui fume sa clope électronique s'il n'aurait pas un silex et de l'amadou pour allumer ta bouffarde. Effet garanti.

PS: Attention, le "jus de tabac", ça tache salement!

C'est d'une limpidité éclatante! Merci infiniment Kumo, j'ai pas emmagasiné suffisamment de tabac pour m'adonner à l'exercice mais je vais imprimer ton message sur papier canson et le conserver dans une serviette à l'abris de la lumière et de l'humidité pour la postérité.

Munch a écrit:Excellent !

C'est joli, c'est appétissant, et c'est une jolie façon de donner une seconde vie à ces tabacs qui le plus souvent sèchent au fond d'une boîte, sans affection.

Et c'est vraiment bon! J'adore la tin-note "latakia moisi" du MacB Plumcake, mais comme c'est du MacB, c'est dégueulasse à fumer. Là, ça sent toujours pareil, mais en plus, ça goûte pareil. C'est tout doux et ça ne brûle pas la langue.

C'est naturellement possible aussi de faire des plugs avec des bons tabacs de départ. J'en ai quelques uns derrière moi et je trouve que le plus souvent, la somme vaut mieux que les parties. Par contre, ça rogne les angles et les délicieuses spécificités d'un tabac aimé vont s'estomper. C'est surtout super pour rendre des trucs "presque" fumables "vraiment" fumables.

Internazionale a écrit:C'est d'une limpidité éclatante! Merci infiniment Kumo, j'ai pas emmagasiné suffisamment de tabac pour m'adonner à l'exercice mais je vais imprimer ton message sur papier canson et le conserver dans une serviette à l'abris de la lumière et de l'humidité pour la postérité.

Il n'y a pas de quoi. Effectivement, du tabac, il en faut! Le plug présenté ici fait 150x40x40mm. Il a donc perdu 60mm d'épaisseur alors que le moule semblait déjà plein à péter en pressant juste à la force des bras. Et surtout, il pèse 270g!!! Donc oui, du tabac, il en faut!

kumo a écrit:
Pour le nom, c'est "bakudan plug".

Je reviens sur ce qui a été dit. Un flake à fumer dans une maïs, ça s'appelle un Corn Flake!

Ma beutche a écrit:

Rascar Capac a écrit:Je ne sais pas si c'est parce que j'ai faim, mais je trouve ce plug appétissant !

C'est parce qu'il ressemble à un pain d'épice !!!

Je comprends mieux pourquoi mon estomac gargouille... 

kumo a écrit:

kumo a écrit:
Pour le nom, c'est "bakudan plug".

Je reviens sur ce qui a été dit. Un flake à fumer dans une maïs, ça s'appelle un Corn Flake!

Merci cher Kumo pour tes explications techniques. Du vrai travail de pro. ET, en plus, c'est très bon 

Tout cela est magnifique, sincèrement!

L'expérience est des plus intéressantes aussi...

Le résultat doit être assez spécial mais j'adhère complètement au principe, t'as l'air de t'éclater avec cette presse et ça fait plaisir 

Ah et merci pour les explications de ton processus !

little smoke a écrit:

Mais des tabacs dont certains sentent déjà le moisi sans être moisis et qui sentent vraiment encore plus le moisi après...

Moi, du moment que c'est pas du Lakeland ou du brun...

J'adore le principe et la réalisation ! 

Je suis loin d'avoir assez de tabac pour tester, mais on peut avoir moins de scrupules à laisser un tabac entamé dans un coin en se disant qu'un jour on en fera "son" plug. Autrefois mes grands parentes avaient une boite spéciale pour refaire un gros savon avec des petits bouts inutilisables  Avec les bougies on pouvait aussi recycler... Des économies de bout de chandelle quoi !

Et en plus ça permet de citer Trois homme dans un bateau, bravo.

  Excellent, depuis le début que je fume la pipe je met tous mes reste de tabacs (fond de boîte ou de blague) dans un pot en verre hermétique pour le jour où je saurais quoi en faire et là tu viens d'éclairer ma lanterne cher Kumo.

Je vais avoir du mal à réaliser un tel plug... Je termine toujours mes pochons de tabac...

En fait Kumo est devenu cuisinier avec l'art d'accomofer les restes   En tout cas très intéressant de voir le processus de A à Z.