La pipe de Sherlock Holmes, une calabash, vraiment ?

 
 
                Le Canon Holmésien  se compose exclusivement  de 4 romans à savoir :
                   -  Une étude en Rouge parution novembre 1887 sous le titre A Study in Scarlet,
                   -  Le Signe des 4  Parution février 1890 sous le titre The Sign of Four
                   -  Le Chien des Baskerville parution août 1901 à mai 1902 sous le titre The Hound of the Baskervilles
                   -  La Vallée de la Peur parution septembre 1914 à mai  1915 sous le titre The Valley of Fear
 
                Et de 56 nouvelles réparties dans 5 volumes :
 
                -Les Aventures de Sherlock Holmes (12 nouvelles parues de 1891 et 1892) et regroupées en un seul
 volume paru en 1892 sous le titre  The Adventures of Sherlock Holmes
                -Les Mémoires de Sherlock Holmes (12 nouvelles parues en 1892 et 1893) et regroupées en un seul
 volume paru en 1894 sous le titre The Memoirs of Sherlock Holmes
               -Le Retour de Sherlock Holmes parution 1905 (13 nouvelles parues en 1903 et 1904 et regroupées en un seul  volume paru en 1894 sous le titre The Return of Sherlock Holmes)
             - Son dernier coup d'archet (7 nouvelles parues de 1908 à 1917) et regroupées en un seul  volume paru en 1917 sous le titre His Last Bow
             - Les Archives de Sherlock Holmes (12 nouvelles parues de 1921 à 1927 et regroupées en un seul  volume paru en 1927 sous le titre The Case-book of Sherlock Holmes)
 
                   Plusieurs remarques :
          Ces nouvelles sont parues au fur et à mesure dans des magazines (la plupart du temps The Strand Magazine) avant de paraître en ouvrage relié.

                  Le Canon Holmésien a été écrit sur une longue période,  quarante ans de 1887 à 1927, ce qui explique certaines incohérences concernant la chronologie au fil des romans et des nouvelles.

                 Certaines dates apparaissent dans les romans, soit que Conan Doyle y fasse clairement allusion, soit qu'on puisse les déduire en se reportant directement à l'œuvre.  C'est ainsi par exemple qu'on peut dater la première rencontre de Holmes et de Watson, dans Une Etude en Rouge, à 1881.

                 Sherlock Holmes et Watson fument la pipe, mais aussi la cigarette et le cigare, selon le moment de la journée ou l'épisode concerné (nouvelle ou roman). Dans certaines nouvelles on ne trouvera d'ailleurs aucune allusion au tabac.
 
                 Concernant ce que fume Sherlock Holmes :
 
 
 
Voilà pour la pipe en terre noire. Et voilà une photo de Jeremy Brett fumant une pipe en terre noire (ou à peu près) :



 
 

Et voici une superbe GBD de 1892 (un peu trop tardive donc) dans un état de conservation extraordinaire. 




 
Voici une longue pipe en merisier :

 
 
Et une autre encore :




                   Et voici Jeremy Brett fumant  une longue pipe, certes, mais qui semble s'apparenter davantage à une Churchwarden en bruyère avec un tuyau d'ébonite très oxydé qu'à une longue pipe en merisier. 

 







              Dorénavant, Conan Doyle ne fera plus jamais allusion à un type de pipe fumée par Holmes. Il fumera sa pipe et c'est tout.  Nous n'en saurons pas plus.




 
              "…Il y avait une boîte d'allumettes de cire, un bout de bougie, une pipe en racine de bruyère, une blague de loutre contenant une once de tabac cavendish …" (p427-II-17). 
 



                      On trouve d'ailleurs une autre photo d'une pipe A. D. P. dans The Arthur Conan Doyle Encyclopedia

                       Pour les anglicistes qui sont intéressés, je mets le lien. https://www.arthur-conan-doyle.com/index.php?title=A.D.P. Vous y trouverez pas mal d'infos sur Conan Doyle et ses personnages.





                 Donc, pour récapituler, Conan Doyle a mis dans la bouche de Holmes une pipe en terre noire, une longue pipe de merisier, une vieille pipe en bruyère et une pipe à tuyau d'ambre (si ce n'est pas la précédente qui aurait été en bruyère ET à tuyau d'ambre. Trois pipes différentes, quatre au maximum.
  

  






             Très vite ces pipes connurent le succès, mais ce ne fut pas avant  la fin de la guerre, et donc pas avant 1902, que ces pipes furent exportées à Londres d'abord, puis dans le reste de l'Europe. Henry Blatter démarcha les plus grands pipiers londoniens de l'époque, Frankau, Loewé, Barling, Charatan, Comoy et après des débuts  un peu lents dans les premiers mois  connut le plein succès dès 1903.


Ou celle-ci, une superbe calabash de chez Adolph Frankau de 1907 (les célèbres  pipes BBB !).                  


            Et pourtant la pipe calebasse est indissociable du détective dans l'imaginaire collectif. Pourquoi ?

           Là encore, tournons nous vers Gary Schrier : « …Holmes fumait-il une calabash ? « Elémentaire « sera la réponse de l’amateur profane. Mais pour le fumeur avisé au  cerveau bien ordonné et qui raisonne par déduction , la réponse est un Non ! catégorique… ».


               

                   Il semblerait que ce soient les acteurs de théâtre et de cinéma qui ont contribué à populariser  ce type de pipe dans la bouche du détective. Mais pas tout de suite.

  
             L’histoire semble donc un peu douteuse, elle est d’ailleurs remise en question par Gary Shrier, qui trouve lui aussi la calabash bien lourde. 

              
                 Notons d’ailleurs que  Gillette, fumeur de pipes lui-même, semble n’avoir jamais fumé de calabash. Sur toutes les photos où on le voit fumant la pipe, voire jouant Sherlock Holmes, il s’agit toujours de bruyères droites ou souvent courbes.









          
          
                    Mais alors, qui a donné sa première calabash à Sherlock Holmes ?






 
              Malheureusement, dans le musée Sherlock Holmes de Londres, au 221 B, Baker Street …



              …on peut voit sur la table du salon une très jolie calabash totalement anachronique ! 



                  
Bon après cela, que dire d’autre ? La gourd calabash semble être  est définitivement  associé à Sherlock Holmes dans l’imaginaire collectif.
                             La calabash comme attribut indissociable de Holmes a commencé comme une blague, dans une parodie, et elle finit en vérité historique. Sacré caprice du destin !  Au moins j'aurai tenté ici de rétablir la vérité.
 

Merci pour ce récit et les précisions apportées qui m'ont captivés.

Un grand merci pour ce sujet que j'ai trouvé passionnant et que j'ai lu jusqu'au bout, quel travail de détective, Sherlock Holmes n'aurait pas fait mieux 

J'ai appris beaucoup beaucoup de choses, un réel plaisir de lecture 

Voilà une longue histoire!
Rappelons-nous que Conan Doyle apparemment ne fumait pas. Et qu'il n'écrivit les Sherlock Holmes que par souci alimentaire
Mais surtout,j'avoue que je l'ignorai complètement, il fut fait un film en 1925 d'une nouvelle de Sir Arthur intitulée "The los t world)?.
On y voit même le personnage de Sir Arthur (un peu à la Hitchcock)
C'est amusant.


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Pour les pipes de Shrlock, elles varient en fonction de l'idée que l'illustrateur du Strand Magazine se faisait du personnage. Peut d'entre les illustrations de ce magazine le montre en train de fumer la pipe.


Bon, allez, j'arrête. J'adore les histoires de Sir Arthur
Je pense que demain je pourrai recommencer à fumer sans cracher un morceau de mou.

Bonne soirée à tous.

Merci pour cette passionnante enquête! 

Je m'était déjà posé la question mais n'ayant pas lu tout le canon je n'ai jamais creusé par manque de curiosité et de temps.

Belles volutes!

Ma petite contribution à ce riche travail :
Les éléments du costume de Sherlock (pipe casquette manteau) ont pris naissance dans le grand public avec la pièce et le film de William Gillette "Sherlock Holmes où celui jouait le rôle de Sherlock.

Si vous voulez en savoir plus:

Pour le film 

https://www.youtube.com/watch?v=W7A03NkJNzQ


Pour l'histoire du film

https://www.cinematheque.fr/article/730.html#:~:text=William%20Gillette%20%C3%A9tait%20aussi%20un,r%C3%B4le%20dans%20cette%20adaptation%20cin%C3%A9matographique.

Bonne nuit à tous.

Merci Chris pour cet article passionnant !

J'y ai découvert de nombreux détails qui m'étaient totalement inconnus.  

Dans le milieu du théâtre  , dont je fais partie, nous savons bien que la calabash de sherlock homes a été introduite pour que l'on voit mieux la pipe... Ben oui une pipe droite c'est pas visible pour le public du fond de la salle... et c'est un objet qu'on a identifié au personnage pour montrer ses addictions... que serait sherlock holmes des années 50 aux années 70 sans son complet à chapeau ridicule et sans sa pipe calabash... Heureusement le cinéma dernièrement à dépoussieré tout cela...

Merci à tous et merci à toi William pour ce film que je ne connaissais pas et que je viens de regarder. J’y ai pris beaucoup de plaisir. 

On voit en effet William Gilette y  porter tantôt un chapeau mou :



Tantôt sa fameuse casquette Deerstalker :


On le voit aussi avec sa loupe : 



Et enfin avec sa pipe, qui effectivement n’est pas une calabash :

 



     L’auteur de l’article  de la Cinémathèque y voit une pipe en écume de mer  ?
 Pour ma part je verrais davantage un genre de Peterson avec une bague d’argent  à la jonction du tuyau et une deuxième en haut du fourneau  (silver cap) dans ce genre :



            Pour Conan Doyle, j’avais le souvenir d’avoir vu des photos de lui fumant la pipe.  J’en ai retrouvé deux, la première très célèbre : 




En tout cas merci à tous pour vos remarques sympa et à William pour sa précieuse contribution !

Bravo, belles recherches et belle synthèse. Merci pour ce partage, c'est très intéressant.

Super intéressant ! Bravo pour ce travail de recherche ! 

C'était une lecture très intéressante, bien écrite, et éducative qui plus est, merci !

Merci Chris pour cette plongée dans l'univers de Sherlock Holmes. Un sacré travail de synthèse et de rédaction, Chapeau !

J'ai préféré les nouvelles aux romans pour ma part. Comme chez Maupassant, je leur trouve une effiacité rédoutable.
Je me souviens que dans quelques unes (au moins 2 ou 3 fois si ma mémoire ne me fait pas défaut) , Holmes parle de rédiger une monographie sur les cendres de cigare. 
C'est quelque chose qu'il mentionne au détour de certaines de ces enquètes et qui avait intrigué et fait sourire le jeune lecteur que j'étais. Avec le recul, analyser les cendres ne me parait pas incongru, au contraire.

En tout un grand bravo pour ce travail de passionné, un vrai plaisir de lecture.

Merci, heureux d'avoir pu t'intéresser, et les autres aussi. Pour la cendre de cigare, c'est dès l'Etude en Rouge qu'on en parle, lorsqu'après la découverte d'une cendre de cigare, Holmes révèle à Watson qu'il a écrit une monographie sue ce sujet. Pour les autres nouvelles où on en parle, je ne m'en souviens plus! Il faudra que je regarde   !