Estimation de la production des pipes en terre au XIXem

Hello,

Je ne sais pas si ce sujet va passionner grand monde, mais je le mets quand même sur le forum. J'ai essayé de comprendre quelle était la production annuelle de pipes en terre dans les fabriques au XIXem.

Naturellement, ceci n'a d'intérêt que pour les rares collectionneurs de pipes en terre, et nous ne sommes pas foule ici. Peu importe.

Dites moi je me fourre le doigt dans l'oeil dans mon raisonnement, car je suis une bille complète dès qu'il y a des chiffres quelque part  

Voici mon raisonnement :

 1 - Les différents métiers

Plusieurs métiers différents interviennent pour fabriquer une pipe en terre :

• - Le batteur de terre, qui prépare la terre avant utilisation
  
• - la « rolleuse », qui met la terre utilisée en forme de rouleau (métier souvent féminin)
  
• - le piper, ou mouleur, qui moule la terre afin de lui donner sa forme définitive
  
• - la trameuse, qui s’occupe des finitions sur la pipe non encore cuite
  
• - l’émailleuse, qui décore la terre avant une seconde cuisson
  

A ceci, il faut ajouter les pourvoyeurs de bois, qui entretiennent le feu dans les fours, les manœuvres, qui enfournent et défournent les pipes, les emballeurs.
On estime qu’il faut un batteur pour trois mouleurs, la rolleuse, le mouleur et la trameuse travaillent au même rythme et une émailleuse s’occupe de décorer la production de deux mouleurs.
Soit, sur 100 ouvriers, environ

• - 7 batteurs
  
• - 20 rolleuse
  
• - 20 mouleurs
  
• - 20 trameuses
  
• - 10 émailleuses
  
• - 23 pourvoyeurs, manœuvres, emballeurs
  

 2 - Estimation de la production

Diverses sources permettent de se faire une idée de la production théorique en fonction du nombre d’ouvriers. Le nombre de pipes moulées par jour dépend largement du modèle de pipe et de sa complexité. En moyenne, il s’établit comme suit :
 Pipes compliquées, style Jacob avec moule en trois parties : 2 grosses par jour, soit 288 pipes
 Pipes simples mais avec moule en trois parties : 4 grosses par jour, soit 576 pipes
 Pipes lisses avec moule en deux parties : 4,5 grosses par jour, soit 648 pipes
Ce à quoi il faut ajouter la production de pipes de tir forain, dont la production est bien plus rapide : 10 grosses par jour (probablement sans opération de tramage), soit 1440 pipes.
Diverses sources d’époque permettent de vérifier cette hypothèse.
Le catalogue Blanc-Garin (1838) affirme que leurs 120 ouvriers produisent chaque jour 15 à 20.000 pipes, ce qui fait une moyenne de 125 à 166 pipes par ouvrier, tous corps de métier confondus.
Dans son catalogue de 1846, Fiolet annonce 800 ouvriers, dont la production quotidienne s’élève à 160,000 pièces, avec une moyenne de 200 unités par ouvrier
En 1868, Gambier produit environ 100.000 pipes par jour avec 600 personnes, soit 166 pipes/jour/ouvrier.
Une source différente est l’étude de l’ingénieur des mines Nivoit (Notions élémentaires sur l’industrie du département des Ardennes – 1869) estime qu’à Givet, 600 ouvriers produisent chaque jour 2,000 grosses, autrement dit 316,800 pipes, soit une production de 528 pipes par ouvrier, ce qui diffère sensiblement des chiffres ci dessus mais reste cohérent si la majorité des pipes produites sont des pipes simples moulées dans un moule en deux parties.

Très impressionnant cette liste de métiers. 
Pour la production j'avais totalement oublié les pipes de tir forain. J'en ai pourtant cassé un paquet avec mes copains dans ma jeunesse.
Je suppose qu'à l'époque les fumeurs changeaient souvent leur pipe. Elles étaient fragiles et leur prix sans doute abordable. La production devait tourner à plein régime.
D'ailleurs as-tu des éléments sur le prix pratiqué à cette époque ?

Juste un petit reproche, tu n'as pas cité le ver de terre dont l'importance est capitale dans la qualité de la matière première  

Brase d'Anjou a écrit:Je suppose qu'à l'époque les fumeurs changeaient souvent leur pipe. Elles étaient fragiles et leur prix sans doute abordable. La production devait tourner à plein régime.
D'ailleurs as-tu des éléments sur le prix pratiqué à cette époque ?

Oui, je ne connais pas le prix de vente, mais je connais le prix d'achat de certains modèles.D'après le catalogue Gambier de 1908, le prix d'achat d'une douzaine de Jacob allait de 3 francs 60 à 8 francs 50.

Si j'en crois le convertisseur de l'insee (https://www.insee.fr/fr/information/2417794), ça fait respectivement quinze euros et trente quatre euros.

Je ne sais pas quel était la marge pratiquée par les revendeurs, mais ça correspond à ce qu'on m'avait dit : une petite Gambier coûtait quelques francs....

Brase d'Anjou a écrit:Juste un petit reproche, tu n'as pas cité le ver de terre dont l'importance est capitale dans la qualité de la matière première  

Effectivement :-)))

Ces chiffres sont impressionnants.
Quelques chiffres supplémentaires sur la production dans la Belle Province à la fin de cet article :

https://jacquescartierchamplain.ca/pont-jacques-cartier-decouverte-dun-four-a-pipes-datant-du-19e-siecle/

Merci de cette info, que je ne connaissais pas.

7 millions de pipes par an pour 50 salariés, avec six jours de travail par semaine (comme c'était la règle à l'époque), ça fait 23.000 pipes par jours, soit plus de 450 pipes par ouvrier, on est au dessus des chiffres moyens, mais ici aussi, tout dépend de la qualité et de la complexité des pipes produites.

Monsieur De Mesmaeker a écrit:Hello,

Je ne sais pas si ce sujet va passionner grand monde, mais je le mets quand même sur le forum. J'ai essayé de comprendre quelle était la production annuelle de pipes en terre dans les fabriques au XIXem.

Naturellement, ceci n'a d'intérêt que pour les rares collectionneurs de pipes en terre, et nous ne sommes pas foule ici. Peu importe.

Dites moi je me fourre le doigt dans l'oeil dans mon raisonnement, car je suis une bille complète dès qu'il y a des chiffres quelque part  

Voici mon raisonnement :

 1 - Les différents métiers

Plusieurs métiers différents interviennent pour fabriquer une pipe en terre :

• - Le batteur de terre, qui prépare la terre avant utilisation
  
• - la « rolleuse », qui met la terre utilisée en forme de rouleau (métier souvent féminin)
  
• - le piper, ou mouleur, qui moule la terre afin de lui donner sa forme définitive
  
• - la trameuse, qui s’occupe des finitions sur la pipe non encore cuite
  
• - l’émailleuse, qui décore la terre avant une seconde cuisson
  

A ceci, il faut ajouter les pourvoyeurs de bois, qui entretiennent le feu dans les fours, les manœuvres, qui enfournent et défournent les pipes, les emballeurs.
On estime qu’il faut un batteur pour trois mouleurs, la rolleuse, le mouleur et la trameuse travaillent au même rythme et une émailleuse s’occupe de décorer la production de deux mouleurs.
Soit, sur 100 ouvriers, environ

• - 7 batteurs
  
• - 20 rolleuse
  
• - 20 mouleurs
  
• - 20 trameuses
  
• - 10 émailleuses
  
• - 23 pourvoyeurs, manœuvres, emballeurs
  

 2 - Estimation de la production

Diverses sources permettent de se faire une idée de la production théorique en fonction du nombre d’ouvriers. Le nombre de pipes moulées par jour dépend largement du modèle de pipe et de sa complexité. En moyenne, il s’établit comme suit :
 Pipes compliquées, style Jacob avec moule en trois parties : 2 grosses par jour, soit 288 pipes
 Pipes simples mais avec moule en trois parties : 4 grosses par jour, soit 576 pipes
 Pipes lisses avec moule en deux parties : 4,5 grosses par jour, soit 648 pipes
Ce à quoi il faut ajouter la production de pipes de tir forain, dont la production est bien plus rapide : 10 grosses par jour (probablement sans opération de tramage), soit 1440 pipes.
Diverses sources d’époque permettent de vérifier cette hypothèse.
Le catalogue Blanc-Garin (1838) affirme que leurs 120 ouvriers produisent chaque jour 15 à 20.000 pipes, ce qui fait une moyenne de 125 à 166 pipes par ouvrier, tous corps de métier confondus.
Dans son catalogue de 1846, Fiolet annonce 800 ouvriers, dont la production quotidienne s’élève à 160,000 pièces, avec une moyenne de 200 unités par ouvrier
En 1868, Gambier produit environ 100.000 pipes par jour avec 600 personnes, soit 166 pipes/jour/ouvrier.
Une source différente est l’étude de l’ingénieur des mines Nivoit (Notions élémentaires sur l’industrie du département des Ardennes – 1869) estime qu’à Givet, 600 ouvriers produisent chaque jour 2,000 grosses, autrement dit 316,800 pipes, soit une production de 528 pipes par ouvrier, ce qui diffère sensiblement des chiffres ci dessus mais reste cohérent si la majorité des pipes produites sont des pipes simples moulées dans un moule en deux parties.

115 632 000pipes par an pour une population de 37 millions d'habitants y compris les femmes et les enfants.
Ils les mangeaient ou quoi?

Très intéressant merci du partage
J ai une petite collection de pipes en terre, je n imaginé pas autant de travail différant pour leur fabrication et la quantité produite c est hallucinant !

Monsieur De Mesmaeker a écrit:Hello,

Je ne sais pas si ce sujet va passionner grand monde, mais je le mets quand même sur le forum. 

Sii évidement que ça nous intéresse !
Je regardais justement une vidéo hier sur la pipe en terre...
Du coup je me permet de la partager ici.

BobyLaGanache a écrit:

Monsieur De Mesmaeker a écrit:Hello,

Je ne sais pas si ce sujet va passionner grand monde, mais je le mets quand même sur le forum. 

Sii évidement que ça nous intéresse !
Je regardais justement une vidéo hier sur la pipe en terre...
Du coup je me permet de la partager ici.

Superbe!
Un retour à la source.
On est loin du rendement industriel.
Il ne doi pas y enavoir deux identiques.

william1941 a écrit:
115 632 000pipes par an pour une population de 37 millions d'habitants y compris les femmes et les enfants.
Ils les mangeaient ou quoi?

Non, ils les cassaient   Je plaisante à peine, mais ces pipes sont plus fragiles que nos modernes bruyères. Les anciens disaient que le principal avantage avec la pipe en terre, c'est qu'il n'y a pas besoin de se baisser pour la ramasser. C'était un accessoire jetable, de consommation courante.

Une autre explication, complémentaire de la première, est que les pipes en terre françaises étaient réputées pour leur qualité et qu'elles étaient largement exportées. Gambier avait un magasin à Londres et créait même des pipes spécialement pour ce marché.

Pipeman a écrit:Très intéressant merci du partage
J ai une petite collection de pipes en terre, je n imaginé pas autant de travail différant pour leur fabrication et la quantité produite c est hallucinant !

Oui, c'était une production industrielle qui occupait des milliers de personnes.

BobyLaGanache a écrit:Sii évidement que ça nous intéresse !
Je regardais justement une vidéo hier sur la pipe en terre...
Du coup je me permet de la partager ici.

Merci du partage

Quand on fréquente les sites de collectionneurs de pipes en terre, il est évident qu'en fouillant n'importe quel coin de terre ou de vase où l'homme a vécu, il suffit de se baisser pour tomber sur des morceaux. Du jetable avant l'heure. On pourrait presque faire une analogie avec les mégots qui gisent deci delà.

Ernie a écrit:Quand on fréquente les sites de collectionneurs de pipes en terre, il est évident qu'en fouillant n'importe quel coin de terre ou de vase où l'homme a vécu, il suffit de se baisser pour tomber sur des morceaux. Du jetable avant l'heure. On pourrait presque faire une analogie avec les mégots qui gisent deci delà.

Tout à fait, d'ailleurs je vous ai montré il n'y pas si naguère le résultat d'un après midi de mudlarking sur les berges de la Tamise. C'est impressionnant.

Bon, personne n'a remarqué d'erreur de chiffre dans mon raisonnement pour estimer la production moyenne de ces fabriques ? (je suis une bille complète dès qu'il y a des chiffres).

Aurais-tu oublié un zéro sur le nombre de grosses produites par jour ?

Si oui, pour te rassurer il y a longtemps que Mac Donald ne compte plus les zéros dans sa création journalière de... enveloppés