Cogitatio Volutans : un éloge de la lenteur

Bonjour à tous,

Ceci est à lire comme un exercice de style avant tout même si finalement, cette « pensée philosophique » est sincère. 

J’ai voulu à la manière d’un Huysmans, d’un Wilde, ou d’un Baudelaire, rédiger un manifeste prônant la lenteur, le pas de côté, l’esprit réfléchi. En revanche, je tiens à préciser que cela n’engage que moi, et que ceux qui y croient ! 



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Je suis de ceux qui, loin de se laisser entraîner par le tumulte des heures qui passent et nous pressent, aiment prendre le temps de penser et de rêver. Dans cette lente danse, je cherche ma voie, mon chemin, ma vérité. J’essaie, quand cela est possible, de ne pas me réclamer de la modernité fébrile qui, dans sa précipitation, oublie de contempler et de savourer. L’homme moderne, pressé, ne sait plus rêver, ne prends plus le temps de penser ; il cherche dans l’agitation ce qu’il ne trouvera jamais. L’homme d’aujourd’hui est un affamé de temps libre, aux prises avec le progrès technique et technologique qui n’ont qu’accéléré sa vie pour ne lui laisser qu’une illusion de temps ; et plus un seul moment pour lui.

Moi, je cultive une paresse majestueuse, un art de penser qui ne doit rien à l’immédiateté, et bien souvent c’est autour de douces volutes qui s’échappent de ma bruyère que je retrouve ma paix. Aujourd’hui, nous sommes plongé dans un état de frénésie perpétuelle : pressés, angoissés, harcelés par le temps dans une course sans fin, et vers quel but ? Ils vivent dans l’illusion que chaque seconde doit être remplie d’une action, d’un but concret, sans comprendre que l’essentiel réside ailleurs, dans l’invisible, dans l’intangible. À ce titre, je revendique le droit fondamental à l’inaction, à la lenteur, à la méditation, à la dolce far niente. Qu’y a-t-il de plus noble que la pensée libre, dégagée de toute contrainte, déployée pour le simple plaisir de se déployer ?

Faisons l’éloge d’une pensée qui prend son temps, qui refuse de se plier aux diktats de l’urgence. Dans un monde qui exalte la rapidité, je prône la lenteur comme acte de résistance. Je revendique le droit à la rêverie, au silence, à l’attente. Ce sont des trésors oubliés que je m’emploie à retrouver lorsqu’assis, j’allume ma pipe.



Il y a - bien entendu - nécessairement des impondérables et des obligations, je ne suis pas rentier. Cependant, je ne me laisse pas dominer par la tyrannie du temps, du moins du mieux possible. Je façonne, lorsque je le peux, mes heures à ma convenance, je recherche un juste équilibre entre actions, activité, et temps libre. Je refuse, lorsque c’est possible, le monde de l’instantané, du tout tout de suite. Mon existence est une contemplation, et je regarde le monde avec lenteur. La beauté réside dans l’attente, dans cette pause féconde où les idées prennent forme, libérées des contraintes matérielles. Laissons le temps au temps, au tabac de sécher à l’hygrométrie idéale, tirons doucement sur notre bouffarde, essayons de ne jamais nous hâter. L’inaction, loin d’être une vacuité, est la matrice d’une créativité authentique. La noblesse réside dans l’art de laisser le temps filer à son rythme, sans contrainte. C’est dans le calme, dans la solitude choisie, que les pensées les plus riches émergent, elles ne naissent pas dans l’agitation, mais dans la sérénité. Tout ceci est donc une philosophie de vie, une pensée enroulée sur elle-même, qui se déroule et se dévoile autour des volutes de fumée.

Le monde urbain est souvent bruyant, confus. Il est bien bon de faire un pas de côté, de ne pas craindre la solitude, ou l’à-côté, éloigné de la multitude, car c’est là que se retrouve notre liberté. Bien souvent, je préfère le silence et la contemplation. C’est là que je me sens vraiment moi-même. Le monde moderne valorise l’action, la performance, mais moi, je valorise l’être, la réflexion. Dans un monde qui court, je marche. Dans un monde qui valorise l’action et la productivité, je choisis la réflexion. Dans un monde qui s’agite, je me repose. Je refuse de n’être jugé que sur mes actions, je veux l’être aussi sur la qualité de mes idées. Les foules se précipitent vers des plaisirs fugaces et illusoires, consomment des idées sans les savourer. Je préfère l’incertitude à la certitude facile. Je préfère la quête à la réponse, le chemin à l’arrivée. Voici une invitation à l’errance intellectuelle, une philosophie de la lenteur, de la patience.

Les idées, comme le vin, ont besoin de temps pour mûrir. Seule la lenteur permet cette alchimie mystérieuse qui transforme une pensée brute en une idée raffinée. La rapidité, au contraire, anesthésie en partie la profondeur de la pensée. Elle la pousse vers des conclusions hâtives, tranchées, agressives. La lenteur, c’est la profondeur, la richesse, la subtilité. C’est ce que je défends à travers Cogitatio Volutans. Je ne cherche pas à changer le monde, mais à vivre selon mes propres rythmes et valeurs. Cogitatio Volutans est un art de vivre qui s’adapte à chaque de nous, qui permet de rester fidèle à nous-mêmes, loin des injonctions extérieures, selon ses exigences personnelles. C’est un refus de la superficialité, une affirmation de l’importance de la pensée construites et de la contemplation. 

Cogitatio Volutans est une manière de résister à la tyrannie du temps, à la vacuité des réseaux sociaux, à l’illusion des grands discours creux, c’est un acte de résistance face à la frénésie ambiante, un retour à l’essentiel : c’est retrouver sa liberté, celle de l’esprit, celle de la pensée qui prend son temps, qui savoure chaque instant. Et surtout, Cogitatio Volutans est à tout le monde, c’est l’art de la pensée vagabonde, un chemin vers la lenteur, et une invitation à redécouvrir la richesse du temps.

Un plaisir de lecture!
Et Bravo pour les illustration.
Prendre le temps de choisir ce que l'on ne fera pas au lieu de le perdre à faire ce que l'on ne veut pas.
Se rire de la Bible en regardant le ciel.
Contrarier l'église et sa triste acédie.
Menacer l'ordre établi.
Eloge de la lenteur.
Mon grand-père disait :" le temps ne respecte pas ce que l'on fait sans lui."
Et puis: "je ne suis pas rentier"
Avoir le temps de ne pas faire!
Mais les retraités sont des rentiers qui n'ont plus guère de temps pour ne pas faire.
Alors, à tort ou à raison: ils font.
"Quoi Totoche?
Oui je sais c'est une vieille histoire.
Mais la pipe et son tabac...
-
- Comment, ne me mêle pas à ça?
Que ça te plaise ou pas tu fais partie de  l'histore de la paresse."

Ô ! Comme j’aimerais, vagabond de l’esprit,
Errer dans ces espaces où le rêve et l’ennui
Seraient maîtres du temps qui voit couler ma vie .
Ondulant lentement dans le monde des « Si»
 
Laisser à mon cerveau, serviteur averti,
Le pouvoir de choisir parmi les flots d’envies
Montant de la fumée d’une pipe garnie
Celles auxquelles, heureux, serein, je dirai « oui »  
 
Ô ! Comme j’aimerais, Lucullus égaré,
Picorer à mon gré parmi tant de plaisirs
Celui qui a l’instant comblerait mes désirs.
 
Pouvoir jouir doucement de la félicité
Des songes devenus pourvoyeurs de loisirs.

Las ! mon gaster se plaint pour son chyle à venir.

Merci pour cette belle réponse William ! 
Toujours un régal de lire ta plume

Merci Hirshmann pour ce texte sublime. Je le mets dans mes favoris pour le relire de temps en temps. Et surtout, je vais essayer de le mettre en pratique...

Merci Jaufré pour ce commentaire qui me va droit au cœur !

Merci beaucoup Hirschmann et William pour ce délicieux moment de lecture, quel plaisir de vous lire 

Merci pour vos retours, ça me touche !

Merci Hirschmann pour ce très beau texte. Et garde ce cap car tout est bon.

"Je préfère... le chemin à l'arrivée" : Voilà qui me rappelle un certain Georges Clémenceau  

Je vais tenter de le garder ce cap, pour sûr !

Bien qu’il ne soit pas toujours évident de prendre le temps, de ne pas se presser, ne pas se sentir coupable de souffler, de faire un pas de côté, c’est devenu une nécessité dans notre société de « fast-everything » !

Mon grand-père disait déjà:
"Aujourd'hui on n'a plus le temps de bien faire les choses.
Mais on trouve toujours celui de les refaire"

Excellente réflexion de ton grand-père. Qu’est-ce que c’est vrai …

Il y a un proverbe marocain qui me revient : Un homme pressé est un homme déjà mort. Il sied à ce fil je crois !

Hirschmann a écrit:Excellente réflexion de ton grand-père. Qu’est-ce que c’est vrai …

Il y a un proverbe marocain qui me revient : Un homme pressé est un homme déjà mort. Il sied à ce fil je crois !

Le temps ne se mesure pas à la même aune partout.
J'ai vécu longtemps dans le monde arabe.
Et même dans ce monde là, ce que nous appelons le temps n'a pas partout la même unité de mesure.
Un ami me racontait cette histoire:
Un Africain répondit à son patron qui lui montrait sa montre pour lui signifier de se presser.
"Vous les blancs, vous avez des montres. Nous on a le temps."

Même en volant plus vite que le vent, plus vite que le temps...

william1941 a écrit:Mon grand-père disait déjà:
"Aujourd'hui on n'a plus le temps de bien faire les choses.
Mais on trouve toujours celui de les refaire"

Un homme sage et un visionnaire 

De bien belles et sages paroles en effet ! Merci pour le partage

Ce forum, l’art de la bouffarde, sont un espace et une pratique qui m’ont donné envie d’une part, et enseigné d’autre part, à savoir apprécier le temps, faire les choses bien. Que ce soit prendre le temps de bien bourrer sa pipe, mais aussi de laisser le temps au tabac de sécher si nécessaire, puis de prendre le temps de fumer, sans tirer trop fort, sans être pressé, laisser le bois refroidir si nécessaire, rallumer quand il le faut. C’est un véritable bonheur et une bulle dans ma vie.

J'aime beaucoup ce proverbe japonais, qui est affiché sur un des murs de la boutique où j'achète mon thé :

"Si tu es pressé, progresse lentement. Si tu es encore plus pressé, fais un détour."

pour rire un peu.
Un homme dont la voiture est en panne d'essence passe à pied sur la route à côté d'un paysan dans son  champ.
"Bonjour. Est-ce que le prochain village est encore loin?
- Je ne sais pas."
Vexé l'automobiliste continu de marcher.
Alors qu'il a fait une bonne centaine de mètres le paysan lui crie:
"Trois quarts d'heure.
- Mais... vous auriez pu me le dire tout de suite!
- Je ne vous avez pas vu marcher"